A l'écho de tes rires, à l'éclat de tes yeuxnouvelle voie dans la face ouest du Hühnergutzhorn, 2919men mémoire d'Arthur 12.12.2008 - 23.04.2015 Répétition le 29.06.2019 par Matt Mauvais et Nico Zambetti, en escalade libre (plus de A1 en L16) en 14 heures entre la route et la cabane Gleckstein. Cette paroi m'avait toujours attiré parce qu'elle était vierge, chose rare dans nos Alpes suisses. C'était à cause de mes "saines lectures", en particulier les livres des 100 plus belles: Gaston Rébuffat pour le Mont-Blanc, Michel Vaucher pour le Valais et Hans Grossen pour l'Oberland bernois. Il faut dire aussi que ce n'est pas ma première "première" dans le coin: il y a eu d'abord Baston la baffe en 2004, puis Into the wild en 2009. En 2014, je débute un nouvel itinéraire sur ce "Gutzpfeiler", le n° 86 des 100 plus belles qui fait office d'outsider par rapport au Scheideggwetterhorn voisin, et surtout à cause de la star du coin toute proche. En août 2014, avec Régis Dubois, nous rejoignons le pied de la voie de 1977 et filons à droite dans les gradins en direction du second ressaut. Par plusieurs longueurs peu agréables, nous atteignons un petit emplacement de bivouac au pied d'une superbe dalle à cannelures. Comme il est déjà tard, nous équipons 3 longueurs avant de commencer une série de rappels sur dalles inclinées suivie d'une traversée dans des gradins dangereux. Le projet est lancé. En septembre 2014, je brûle d'impatience d'aller continuer. C'est mon ami Steph qui m'accompagne, Tavannes - retour à la journée. Si nous étions allé au Wenden, nous serions rentrés plus tôt tant l'approche est longue et délicate par ces fameux gradins. Pas grave, nous avons bien ris ! Néanmoins, je me pose la question sur la "viabilité" de ce projet. Mieux vaut attendre le début de l'été 2015 et aviser à ce moment là. Avril 2015, Arthur mon fiston différent des autres, décède accidentellement. L'énergie qu'il m'aura fait dépenser durant sa courte existance, la tristesse, la déchirure de la séparation et le vide énorme qui suivent sa disparition, devront bien être compensés autrement. Quoi de mieux, pour se sentir vivre, que de porter et planter des spits dans une paroi en haute montagne en étant merveilleusement accompagné par ce cher et irremplaçable gourou de la logistique qui se nomme Gaston? Finalement, avec de la volonté, de superbes créneaux météo et un remarquable esprit d'équipe, nous nous en sommes sortis assez vite. Et nous n'étions que 2, cette fois. Le résultat est là, ce ne sera pas la plus belle des Alpes, mais elle a le mérite d'exister. Les patûrages verts dessous, les klaxons des bus, le torrent et la sortie en haute montagne rendent l'ambiance exceptionnelle. Je vais un jour remonter pour la répéter et enchaîner en libre de L16 à L25 que je n'ai parcouru qu'arnaché d'une perceuse. Il s'agit d'une sorte d'aventure alpine, avec des spits, qu'il convient de prendre comme telle, en portant (ou hissant pour quelques longueurs) un sac avec piolet, crampons et vis afin de vivre un bon moment là haut. Et pourquoi pas de l'enchaîner avec le sommet du Wetterhorn, ou mieux encore avec la voie de Silvan, tout est possible avec de l'imagination. Pour visionner les photos, voici encore une superbe chanson de circonstances si je pense à mon fils: All of my love. 4 mois exactement après lui avoir rendu son dernier adieu, nous sortons d'une nouvelle voie en son honneur. Le processus de deuil avance doucement et désormais, il y a d'autres projets plus "cérébraux" pour lui. Et en ce qui concerne ce massif montagneux, j'aurais encore 2 projets dans le coin, à conditions d'être toujours en forme, d'avoir un peu de temps et au moins un compagnon avec qui je m'entends bien.
2015 le 28 juin, je gravis le "Gutzpfeiler" avec Marco Bracelli. Départ de nuit de la Grande Scheidegg pour arriver vers 20h30 à la cabane Gleckstein. Entre 2, environ 25 longueurs très sauvages en 5+/6 pour les plus dures avec de rares pitons qui nous montraient que nous ne nous étions pas trompé. J'ai utilisé un jeu complet de friends jusqu'au camalot gris (3,5) et les coinceurs. Beaucoup de relais ne sont pas équipés. J'ai utilisé le topo avec le texte en français des 100 plus belles courses de l'Oberland, au n° 86. Cela correspondait assez bien. Puis il faut prévoir du matériel pour la glace afin de monter à la Chrinne, il y a 100 mètres à 45-50° qui sont en glace, suivis d'une rimaye qui peut être problématique. Ensuite, quelques rappels mènent au Chrinnengletscher et à la cabane Gleckstein. 25 juillet, retour à Grindelwald en compagnie du fidèle Gaston qui est venu porter des spits, faire la cuisine et recevoir des cailloux (selon sa version...;-). Nous nous installons au sympathique camping Gletscherdorf afin de profiter un maximum des journées de beaux temps. Chose pas évidente dans la région. Mais bref, nous sommes sur place, prêts. le 26 nous remontons jusqu'au départ. D'entrée, nous ouvrons les yeux sur de beaux passages à gravir dans ce socle, et avec quelques spits, passons là où c'est joli à grimper, le tout entrecoupé de gradins qui cassent le rythme mais permettent de prendre rapidement de la hauteur. Une fois rectifié, ce socle fastidieux fait avec Régis, en vitesse, en 2014, s'avère être un accès plutôt commode qui va rallonger la future voie. Par contre, à la descente, il y a pas mal de rappels diagonaux, mais le projet final ne sera pas prévu pour être descendu ainsi. Belle journée qui s'achève autour d'un bon rösti arrosé de Rugenbraü! 28, départ très tôt, bien chargés, mais sans affaires de bivouac car une dégradation du temps est prévue le lendemain, et là-haut, il n'y a pas de bivouacs abrités. On remonte les longueurs ouvertes en 2014, dont les superbes cannelures, puis la suite. Je suis impatient de découvrir ce grand dièdre gris / jaune qui m'a donné envie de promener la makita jusque là. Un caillou n'aimant pas les friends, est allé frôlé Gaston (sans mal pour le caillou). Puis une suivante où, hésitant entre le plus facile et le plus beau, je suis bien emprunté, ce sera intéressant de refaire cela, et de me conforter ou non dans mes choix, lors de la prochaine montée. Je me fait quand même un vol de 10 mètres avec tout le matos. Avec un spit de plus, j'atteins le relais qui débouche sur de jolies perspectives. Puis, un coup d'oeil sur la montre, et un petit coup de fatigue nous font opter pour la descente (16 rappels et des gradins!!) avant de clore cette journée par un bon rösti arrosé de Rugenbraü, juste avant que la cuisine ferme. 5-7 août, suite du périple, le beau temps est là. Nous remontons avec du lourd afin de hisser et de bivouaquer le plus haut possible et de sortir par le haut après le second ressaut. En raison du poids des sacs, nous déchantons vite. Décision est prise de rester au petit bivouac de R8, le seul que nous avons vu de +/- confortable, avec la chute d'eau à 100m. Le premier jour, je fais quelques petites améliorations à certaines longueurs en grimpant devant tandis que Gaston a la dure tâche de monter le matos qui permettra de continuer. Nous atteignons le plus haut point de la voie en fin d'après-midi, mais il est déjà tard et nous sommes bien entammés. Retour au bivouac en 7 rappels. Le lendemain, nous remontons rapidement avec suffisamment d'eau pour la journée et je me mets à la tâche, comme échauffement, je passe les longueurs existantes en libre, ça va donner 6c ou 7a. D'entrée, ça commence bien avec de la belle escalade en fissures suivie d'un mur à petites prises. Une fissure sale et un pas d'A1 sur un piton resté en place me fait déboucher dans une sorte de niche où nous comptions bivouaquer si nous avions tout hissé. Heureusement que nous avons changé d'idée car nous n'aurions pas bien dormis. C'est avec une certaine émotion que je visse un relais "commémoratif" pour Arthur avant de devoir retrouver toute ma concentration pour la suite. Heureusement, la suivante n'est pas trop ardue et je m'en sort vite, près des surplombs de sortie, à la limite entre un superbe rocher compact et des piles d'assiettes excécrables. Devinez où je vais aller... dans un beau mur technique et gazeux. Puis une courte longueur oblique nous permet de trouver la première vire digne de ce nom, en face sud du pilier. Vient encore une dernière longueur pour aujourd'hui, avec du rocher "type Sanetsch" au début puis une dalle lisse, glissante et désagréable pour la fin. Nous sommes au sommet de ce 2e ressaut, en haut d'une paroi vierge de toute voie. Nous cachons le reste du matos sous un caillou et attaquons la descente en rappel jusqu'à notre bivouac après 12h d'escalade. Après une nuit réparatrice, les rappels reprennent, puis les gradins, puis la voiture. 26-27 août, nous achevons la voie. Ayant réussi à convaincre Gaston de passer la nuit à la cabane Gleckstein, nous démarrons de nuit en direction de la Chrinne. Hans-Ueli, un guide du coin, et sa cliente, nous montre le passage pour atteindre ce col à la lueur des frontales afin de redescendre sur le glacier puis au point le plus haut de la voie. J'avais décidé de tout donner ce jour-là, ainsi, c'est allé plus vite que prévu pour ces 4 dernières longueurs, dont une magnifique à l'ambiance Wenden. Les 3 autres n'ont pas posé de problèmes particuliers non plus, il faut bien le dire. Tout a fonctionné parfaitement. Comme nous ne voulions pas déjà bivouaquer à 3h d l'après-midi, nous sommes remontés à la Chrinne. Puis, les rappels passés, Gaston s'envole sous sa mini voile avec tout le poids. Moi j'arrive à la tombée de la nuit à l'arrêt de bus, et comme nous avions tout emporté, nous montons la tente et passons une nuit réparatrice. Pour l'instant, l'histoire s'arrête là. Mes remerciements les plus sincères vont à mon ami Gaston, avec qui l'esprit d'équipe n'est pas un vain mot, avec qui l'on se marre toujours sans se prendre au sérieux et sans qui, ce genre d'aventure ne serait pas possible. N'oublions pas non plus qu'il a été un élément clé dans les 3 nouvelles voies réalisées dans ce massif.
Pour plus d'informations...Article du Quotidien jurassien Galerie photo
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