Saines lectures et grandes réflexions

Un peu plus d’un mois après cet accident de ski au Steghorn, me voilà à la maison, opéré et handicapé pour quelques temps. Si le fil conducteur qui me guidait depuis plus de 20 ans m’a échappé en ce 7 avril 2010, le cerveau lui, n’a pas chômé ; il a même fait des heures supplémentaires.

J’ai déjà passé en revue une grande partie des inconvénients, par contre, je n’ai encore trouvé que peu d’avantages à cette situation précaire. Je me défoule en écoutant de la musique, en regardant des films et, surtout, en lisant ou relisant une belle série de livres parlant principalement de montagne, mais avec des aspects psychologiques qui me tiennent à cœur. Bon nombre de sensations décrites dans ces ouvrages me reviennent en pleine face, car moi aussi, j’ai eu souvent peur et je me demandais ce que je faisais là. Par contre, une fois de retour dans la vallée, le premier réflexe était d’ouvrir le topo pour trouver un nouvel objectif. Comme si un ver, enfoui en moi, dévorait ma joie.

Parmi ces lectures, on trouve le « Théorème de la peur » de Greg Child, « Totem Pole » de Paul Pritchard et « Le dénouement » de Simon Yates. Ces bonnes tronches de montagnards me confirment que nous voguons tous dans la même galère. La satisfaction qu’engendre une belle réalisation provoque un état de grâce ou plus rien ne peut nous toucher, sa durée varie selon l’état d’esprit du moment, grâce aux endorphines libérées par le cerveau. Ainsi, j’en déduis que nous sommes des drogués. Si j’ai été souvent attiré par des objectifs réputés, c’était pour avoir ma « dose », rapporter quelques souvenirs et me sentir zen pour un lapse de temps plus ou moins long.

L’alpinisme de haut niveau impose de trouver le bon rapport entre maîtrise du risque et témérité, entre confiance et insouciance, le tout savamment disposé au fil des longueurs. Tout est question d’équilibre entre le yin et le yang, si l’on abuse trop de certains de ces ingrédients, on risque de voir sa vie passablement écourtée.

Cet hiver 2010, malgré mes responsabilités familiales, j’ai eu souvent l’impression d’être dans ce versant obscur, m’en remettant un peu trop au hasard. Une voie intérieure pouvait bien me dire « fais gaffe », j’avais besoin de me sentir vivre, exactement comme dans le premier film que j’ai regardé après l’accident ,« Fight club ». Rongé par quelques soucis d'un autre ordre, j’ai particulièrement engagé la viande dans certaines cascades de glace. C’est un très bon moyen d’éprouver des sensations fortes et c’est une activité que j’aime particulièrement (bien plus que de se cogner sur la gueule comme Norton et Pitt). Mais même après B.A.S.E, une cascade exigeant une prise de risque non négligeable, j’avais l’impression de ne pas être rassasié. Bien qu’il s’agisse de l’une des pires « gonfles» que j’aie gravies à ce jour, mon voyage sur un petit nuage n’a duré que quelques heures.

Puis, la saison de glace faisant place à celle de glisse, d’autres choix entre « blanc » et « noir » (c’est une image), me sont apparus. Si mes ambitions à ski étaient très modestes cet hiver, j’ai néanmoins connu 2-3 frayeurs avant ce fameux point de rupture vers lequel je me dirigeais à vitesse grand V. En réfléchissant un peu sur cette suite d’alertes, une phrase de mon texte courses de jeunesse me revient à l’esprit : il faut toujours regarder son objectif dans les yeux. La montagne est une affaire de cœur et de tripes et surtout, il faut la respecter et préserver cette étincelle que l’on nomme enthousiasme. En 2010, hormis les demi-journées passées avec ma fille sur les tire-fesses régionaux, qui ont procuré un énorme plaisir à tous les deux, le ski ne représentait à mes yeux qu’un moyen de transport. Ces histoires de poudre, de griserie et de bulletins d’avalanches me semblaient être des dangers absurdes comme une épée de Damoclès prête à tomber. Je faisais cela parce qu’on m’avait demandé, parce qu’il fallait gagner ma croûte, avec néanmoins la certitude d’exercer un métier extraordinaire dans un paysage qui ne l’est pas moins. Dix années passées en usine avant d’être guide ne font que confirmer mes certitudes.

Avec du recul, ce que je vois de positif dans mon malheur, c’est que l’accident ne concerne « que » ma jambe, ce n’est pas une chute avec un glaçon ni une avalanche ni encore une rupture de pont de neige avec la corde dans le sac. Ce ne sont là que des exemples de ce qui peut arriver par là-haut.

Pour me consoler, c’est tout ce qu’il me reste, je me répète encore et encore que cette descente fatale était belle et que j’ai voulu refaire le plein d’endorphines qui me manquait. Je n’ai pas de regrets de ce côté-là. Comme Icare, je me suis brûlé les ailes et maintenant, bien malgré moi, je suis libéré de toutes ces contraintes et des joies qui en découlent. Mes pensées vont à la saison d’escalade qui était toute proche. Pourtant, la vie continue, ma famille, des projets et quelques saines (ou malsaines) lectures devraient me donner l’énergie nécessaire pour remonter la pente.

N.Z. 16.05.2010


Pour plus d'informations...

IntéressantIntéressant

Quelques bons tuyaux pour les éclopésQuelques bons tuyaux pour les éclopés

Pour les nostalgiques dPour les nostalgiques d'une certaine époque!

Galerie photo

tant de questions à se poser, et pourtant, il est mieux de vivre sa passion et de ne pas trop s en poser
tant de questions à se poser, et pourtant, il est mieux de vivre sa passion et de ne pas trop s en poser

voilà de bien bonnes lectures!
voilà de bien bonnes lectures!

Et une autre, moins drôle, qui reflète bien ma vision du monde d aujourdhui
Et une autre, moins drôle, qui reflète bien ma vision du monde d aujourdhui

Dément! C est comme ça que j aime la montagne, mais surtout au niveau des émotions et des sensations décrites dans ce livre, à lire absolument pour ceux qui la vivent comme un rêve, loin des chiffres.
Dément! C est comme ça que j aime la montagne, mais surtout au niveau des émotions et des sensations décrites dans ce livre, à lire absolument pour ceux qui la vivent comme un rêve, loin des chiffres.

Un bouquin auquel je m identifie pas mal suite à un grave traumatisme crânien en 1992, et qui me permet de relativiser les choses en 2010.
Un bouquin auquel je m identifie pas mal suite à un grave traumatisme crânien en 1992, et qui me permet de relativiser les choses en 2010.

Un livre avec plein de questions que je me suis souvent posées, mais ne m ont empêché qu une seule fois de faire mon sac.
Un livre avec plein de questions que je me suis souvent posées, mais ne m ont empêché qu une seule fois de faire mon sac.

Règle numéro un...
Règle numéro un...

Ce serait l occasion d apprendre à jouer de la gratte
Ce serait l occasion d apprendre à jouer de la gratte

l un des meilleurs film pour s évader
l un des meilleurs film pour s évader


Toute la symbolique mystique hein Roro?
Toute la symbolique mystique hein Roro?

J aurais bien aimé y assister, heureusement qu il y a des DVD
J aurais bien aimé y assister, heureusement qu il y a des DVD

Rendez-vous le 6.06. 2011 à Zürich, woow ça va être bô!!!
Rendez-vous le 6.06. 2011 à Zürich, woow ça va être bô!!!

Là, on croit rêver, y aura-t il un miracle en 2011?
Là, on croit rêver, y aura-t il un miracle en 2011?

Pink Floyd à Pompei en 1971
Pink Floyd à Pompei en 1971

Souvenir d un concert top dans mon village en 2006 à l occasion de la fête de la jeunesse jurassienne et un super album live avec des guitares qui doivent symboliser l instant ou la mort frappe.
Souvenir d un concert top dans mon village en 2006 à l occasion de la fête de la jeunesse jurassienne et un super album live avec des guitares qui doivent symboliser l instant ou la mort frappe.

Et si j avais été né (bien) plus tôt, j aurais volontiers pataugé dans la boue
Et si j avais été né (bien) plus tôt, j aurais volontiers pataugé dans la boue

Mathilde à l école de ski
Mathilde à l école de ski

Sous l oeil du père et du frangin qui lui, a encore le temps
Sous l oeil du père et du frangin qui lui, a encore le temps

7 avril 2010, sur le Steghorn juste avant le point de rupture
7 avril 2010, sur le Steghorn juste avant le point de rupture

jusqu ici, tout va bien...
jusqu ici, tout va bien...